Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/187

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série de culbutes, dont le nombre et le fracas seront en raison de l’action des capitaux.

En 1839, le nombre des faillites, pour la seule place de Paris, a été de 1,064 ; cette proportion s’est soutenue dans les premiers mois de 1840, et, au moment où j’écris ces lignes, la crise ne paraît pas arrivée à son terme. On affirme, en outre, que le nombre des maisons qui se liquident est de beaucoup plus considérable que celui des maisons dont les faillites sont déclarées : qu’on juge, d’après ce cataclysme, de la force d’aspiration de la trombe.

La décimation de la société est tantôt insensible et permanente, tantôt périodique et brusque : cela dépend des diverses manières dont agit la propriété. Dans un pays de propriété morcelée et de petite industrie, les droits et les prétentions de chacun se faisant contre-poids, la puissance d’envahissement s’entre-détruit : là, à vrai dire, la propriété n’existe pas, puisque le droit d’aubaine est à peine exercé. La condition des travailleurs, quant à la sécurité de la vie, est à peu près la même que s’il y avait entre eux égalité absolue ; ils sont privés de tous les avantages d’une franche et entière association, mais leur existence n’est pas du moins menacée. À part quelques victimes isolées du droit de propriété, du malheur desquelles personne n’aperçoit la cause première, la société paraît calme au sein de cette espèce d’égalité : mais prenez garde, elle est en équilibre sur le tranchant d’une épée ; au moindre choc, elle tombera et sera frappée à mort.

D’ordinaire, le tourbillon de la propriété se localise : d’une part, le fermage s’arrête à point fixe ; de l’autre, par l’effet des concurrences et de la surabondance de production, le prix des marchandises industrielles n’augmente pas ; en sorte que la condition du paysan reste la même et ne dépend plus guère que des saisons. C’est donc sur l’industrie que porte principalement l’action dévorante de la propriété. De là vient que nous disons communément crises commerciales et non pas crises agricoles, parce que, tandis que le fermier est lentement consumé par le droit d’aubaine, l’industriel est englouti d’un seul trait ; de là les fériations