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que chacun avait le droit de satisfaire ses besoins sans aucune considération pour les besoins d’autrui ; en d’autres termes, que tous avaient également le droit de se nuire, qu’il n’y avait d’autre droit que la ruse ou la force. On se nuit, du reste, non seulement par la guerre et le pillage, mais encore par l’anticipation et l’appropriation. Or, ce fut pour abolir ce droit égal d’employer la force et la ruse, ce droit égal de se faire du mal, source unique de l’inégalité des biens et des maux, que l’on commença à faire des conventions tacites ou formelles, et que l’on établit une balance : donc, ces conventions et cette balance avaient pour objet d’assurer à tous égalité de bien-être ; donc, par la loi des contraires, si l’étrangeté est le principe de l’inégalité, la société a pour résultat nécessaire l’égalité. La balance sociale est l’égalisation du fort et du faible ; car, tant qu’ils ne sont pas égaux, ils sont étrangers ; ils ne forment point une alliance, ils demeurent ennemis. Donc, si l’inégalité des conditions est un mal nécessaire, c’est dans l’étrangeté, puisque société et inégalité impliquent contradiction ; donc, si l’homme est fait pour la société, il est fait pour l’égalité : la rigueur de cette conséquence est invincible.

Cela étant, comment se fait-il que, depuis l’établissement de la balance, l’inégalité augmente sans cesse ? Comment le règne de la justice est–il toujours celui de l’étrangeté ? Que répond Destutt de Tracy ?

« Besoins et moyens, droits et devoirs, dérivent de la faculté de vouloir. Si l’homme ne voulait rien, il n’aurait rien de tout cela. Mais avoir des besoins et des moyens, des droits et des devoirs, c’est avoir, c’est posséder quelque chose. Ce sont là autant d’espèces de propriétés, à prendre le mot dans sa plus grande généralité : ce sont des choses qui nous appartiennent. »

Équivoque indigne, que le besoin de généraliser ne justifie pas. Le mot de propriété a deux sens : 1o il désigne la qualité par laquelle une chose est ce qu’elle est, la vertu qui lui est propre, qui la distingue spécialement : c’est en ce sens que l’on dit, les propriétés du triangle ou des nombres, la propriété de l’aimant, etc. 2o Il explique le droit dominal