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suffit pas de changer notre hypothèse, comme fit Copernic, lorsqu’il prit à rebours le système de Ptolémée.

Mais que dira-t-on, si je montre tout à l’heure cette même jurisprudence argumentant sans cesse de l’égalité pour légitimer le domaine de propriété ? Qu’aura-t-on à répliquer ?


§ 3. De la loi civile, comme fondement et sanction de la propriété.


Pothier semble croire que la propriété, tout de même que la royauté, est de droit divin : il en fait remonter l’origine jusqu’à Dieu même : Ab Jove principium. Voici son début :

« Dieu a le souverain domaine de l’univers et de toutes les choses qu’il renferme : Domini est terra et plenitudo ejus, orbis terrarum et universi qui habitant in eo. — C’est pour le genre humain qu’il a créé la terre et toutes les créatures qu’elle renferme, et il lui en a accordé un domaine subordonné au sien : Tu l’as établi sur les ouvrages de tes mains : tu as mis la nature sous ses pieds, dit le Psalmiste. Dieu fit cette donation au genre humain par ces paroles, qu’il adressa à nos premiers parents après la création : Croissez et multipliez, et remplissez la terre, etc. »

Après ce magnifique exorde, qui ne croirait que le genre humain est comme une grande famille, vivant dans une fraternelle union, sous la garde d’un vénérable père ? Mais, Dieu ! que de frères ennemis ! que de pères dénaturés et d’enfants prodigues !

Dieu avait donation de la terre au genre humain : pourquoi donc n’ai-je rien reçu ? Il a mis la nature sous mes pieds, et je n’ai pas où poser ma tête ! Multipliez ; nous dit-il par l’organe de son interprète Pothier. Ah ! savant Pothier, cela est aussi aisé à faire qu’à dire ; mais donnez donc à l’oiseau de la mousse pour son nid.

« Le genre humain s’étant multiplié, les hommes partagèrent entre eux la terre et la plupart des choses qui étaient sur sa surface : ce qui échut à chacun d’eux commença à