Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/93

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en passant que ceci est plus qu’une hypothèse, c’est une réalité. L’air et l’eau ont été appropriés aussi souvent, je ne dis pas qu’on l’a pu, mais qu’on en a eu permission.

Les Portugais ayant découvert le passage aux Indes par le cap de Bonne-Espérance, prétendirent avoir seuls la propriété du passage ; et Grotius, consulté à cette occasion par les Hollandais, qui refusaient de reconnaître ce droit, écrivit exprès son traité De mari libero, pour prouver que la mer n’est point passible d’appropriation.

Le droit de chasse et de pêche a été de tout temps réservé aux seigneurs et aux propriétaires : aujourd’hui il est affermé par le gouvernement et par les communes à quiconque peut payer le port d’armes et l’amodiation. Qu’on règle la pêche et la chasse, rien de mieux ; mais que les enchères en fassent le partage, c’est créer un monopole sur l’air et sur l’eau.

Qu’est-ce que le passeport ? Une recommandation faite à tous de la personne du voyageur, un certificat de sûreté pour lui et pour ce qui lui appartient. Le fisc, dont l’esprit est de dénaturer les meilleures choses, a fait du passeport un moyen d’espionnage et une gabelle. N’est-ce pas vendre le droit de marcher et de circuler ?

Enfin, il n’est permis ni de puiser de l’eau à une fontaine enclavée dans un terrain, sans la permission du propriétaire, parce qu’en vertu du droit d’accession, la source appartient au possesseur du sol, s’il n’y a possession contraire ; ni de donner du jour à sa demeure sans payer un impôt ; ni de prendre vue sur une cour, un jardin, un verger sans l’agrément du propriétaire ; ni de se promener dans un parc ou un enclos, malgré le maître ; or, il est permis à chacun de s’enfermer et de se clore. Toutes ces défenses sont autant d’interdictions sacramentelles, non seulement de la terre, mais des airs et des eaux. Prolétaires tous tant que nous sommes, la propriété nous excommunie : Terra, et aqua, et aere, et igne interdicti sumus.

L’appropriation du plus ferme des éléments n’a pu se faire sans l’appropriation des trois autres, puisque, selon le droit français et le droit romain, la propriété de la sur-