Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/95

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n’est pas infinie. La terre est chose limitée ; donc, suivant M. Ch. Comte, elle doit être chose appropriée. Il semble qu’il devait dire, au contraire : donc, elle ne doit pas être chose appropriée. Car, que l’on s’approprie une quantité quelconque d’air ou de lumière, il n’en peut résulter de dommage pour personne, puisqu’il en reste toujours assez : quant au sol, c’est autre chose. S’empare qui voudra ou qui pourra des rayons du soleil, de la brise qui passe et des vagues de la mer ; je le lui permets et lui pardonne son mauvais vouloir : mais qu’homme vivant prétende transformer son droit de possession territoriale en droit de propriété, je lui déclare la guerre et le combats à outrance.

L’argumentation de M. Ch. Comte prouve contre sa thèse.

« Parmi les choses nécessaires à notre conservation, dit-il, il en est un certain nombre qui existent en si grande quantité qu’elles sont inépuisables ; d’autres, qui existent en quantité moins considérable et qui ne peuvent satisfaire les besoins que d’un certain nombre de personnes. Les unes sont dites communes, les autres particulières. »

Ce n’est point exactement raisonné : l’eau, l’air et la lumière sont choses communes, non parce que inépuisables, mais parce que indispensables, et tellement indispensables que c’est pour cela que la nature semble les avoir créées en quantité presque infinie, afin que leur immensité les préservât de toute appropriation. Pareillement la terre est chose indispensable à notre conservation, par conséquent chose commune, par conséquent chose non susceptible d’appropriation ; mais la terre est beaucoup moins étendue que les autres éléments, donc l’usage doit en être réglé, non au bénéfice de quelques-uns, mais dans l’intérêt et pour la sûreté de tous. En deux mots, l’égalité des droits est prouvée par l’égalité des besoins ; or, l’égalité des droits, si la chose est limitée, ne peut être réalisée que par l’égalité de possession : c’est une loi agraire qui se trouve au fond des arguments de M. Ch. Comte.

De quelque côté que l’on envisage cette question de la propriété, dès qu’on veut approfondir, on arrive à l’égalité. Je n’insisterai pas davantage sur la distinction des choses