Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/342

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prolétariat, une force publique était indispensable : le pouvoir exécutif est sorti des nécessités de la législation civile, de l’administration et de la justice. Et là encore les plus belles espérances se sont changées en amères déceptions.

Comme le législateur, comme le bourgmestre et comme le juge, le prince s’est posé en représentant de l’autorité divine. Défenseur du pauvre, de la veuve et de l’orphelin, il a promis de faire régner autour du trône la liberté et l’égalité, de venir en aide au travail, et d’écouter la voix du peuple. Et le peuple s’est jeté avec amour dans les bras du pouvoir ; et quand l’expérience lui a fait sentir que le pouvoir était contre lui, au lieu de s’en prendre à l’institution, il s’est mis à accuser le prince, sans vouloir jamais comprendre que le prince étant, par nature et destination, le chef des improductifs et le plus gros des monopoleurs, il était impossible, malgré qu’il en eût, qu’il prît fait et cause pour le peuple.

Toute critique, soit de la forme, soit des actes du gouvernement, aboutit à cette contradiction essentielle. Et lorsque de soi-disant théoriciens de la souveraineté du peuple prétendent que le remède à la tyrannie du pouvoir consiste à le faire émaner du suffrage populaire, ils ne font, comme l’écureuil, que tourner dans leur cage. Car du moment que les conditions constitutives du pouvoir, c’est-à-dire l’autorité, la propriété, la hiérarchie, sont conservées, le suffrage du peuple n’est plus que le consentement du peuple à son oppression : ce qui est du plus niais charlatanisme.

Dans le système de l’autorité, quelle que soit d’ailleurs son origine, monarchique ou démocratique, le pouvoir est l’organe noble de la société ; c’est par lui qu’elle vit et se meut ; toute initiative en émane ; tout ordre, toute perfection sont son ouvrage. D’après les définitions de la science économique, au contraire, définitions conformes à la réalité des choses, le pouvoir est la série des improductifs que l’organisation sociale doit tendre indéfiniment à réduire. Comment donc, avec le principe d’autorité si cher aux démocrates, le vœu de l’économie politique, vœu qui est aussi celui du peuple, pourrait-il se réaliser ? Comment le gouvernement, qui dans cette hypothèse est tout, deviendra-t-il un