Page:Proudhon - Théorie de la propriété, 1866.djvu/100

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qui en sont chargés sont des ministres du culte ; la borne elle-même, de pierre ou de bois, Terminus, est une divinité contemporaine de Vesta et des Lares. C’est ainsi que le même fait a été vu d’un œil différent dans les cantons de l’antique Hespérie, et dans les déserts de l’Arabie et les steppes des Scythes. Chaque peuple parle selon ses inclinations et ses préjugés : au philosophe d’apprécier les faits selon la raison.

Quelle est donc l’étendue du droit du détenteur du sol ? C’est ce qu’il importe de bien définir. Dans ce système, qui a dû s’inaugurer en même temps que commençait le défrichement du sol et le débordement des familles, la communauté originelle, devenue l’État, ou le prince qui le représente, est censée avoir reçu de Dieu, créateur et seul vrai propriétaire, l’investiture du sol. Admirez cette fiction ; elle montre avec quel scrupule de conscience, avec quelle justesse de bon sens procédèrent les premiers instituteurs des nations. Ils ne disaient pas, à la manière des conquérants qui vinrent après : Ce champ est à moi parce que je l’occupe, parce que je l’ai gagné avec mon épée ; ou bien encore, parce que je l’ai, le premier, retourné avec ma charme. Non ; ils comprenaient que ni l’occupation, ni la force, ni même le travail ne confèrent le domaine du sol ; et ils le déclaraient franchement, en faisant remonter à Dieu le droit du prince, source de tous les autres ; ils étaient loin de penser qu’un jour ce droit divin, formule rigoureuse de la justice, dégénèrerait en un monstrueux abus, et deviendrait