Page:Proudhon - Théorie de la propriété, 1866.djvu/139

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et, vis-à-vis du prochain, beaucoup de mauvaise foi. Mais le but est toujours le même, et ce but n’a rien en soi de blâmable : c’est la garantie de la liberté et du droit. Si les petits propriétaires, désespérant de se soutenir par eux-mêmes, font donation de leur propriété à l’évêque, au comte, à l’abbé, qui la lui remettent ensuite à titre de bénéfice, fief, précaire ou commande, cela prouve non pas qu’ils rejettent la propriété, mais que telle qu’elle leur est donnée, elle n’est pas assez considérable pour qu’ils puissent, par eux-mêmes et avec elle seule, se défendre. C’est une question de force, non de principe. Aussi, voit-on la féodalité se détruire dès sa naissance par l’idée qui lui est fatalement associée, qu’elle sous-entend et qui la contredit, l’idée allodiale. D’abord, chaque petit propriétaire d’alleu, forcé de se donner un suzerain, choisit le plus puissant qui se trouve à sa portée : ce qui conduit à la subalternisation de tous les alleux, devenus fiefs, à un suzerain unique, le roi ; puis une coalition des roturiers industrieux se forme, avec la protection du roi, contre les évêques et les nobles ; ce sont les communes : tant et si bien qu’au siècle de Louis XIV, il n’y a plus qu’un seul grand propriétaire, plus fictif que réel, le roi, dominant une nation de tenanciers privilégiés à divers titres, nobles, clercs, bourgeois, vilains. Vienne maintenant la Révolution, et tous, à l’envi, secouant cet ultime et monstrueux despotisme, redeviendront, qui pour plus, qui pour moins, comme la plèbe de César, propriétaires.

Ainsi, dès avant le règne des Tarquins, dès le temps même