Page:Proudhon - Théorie de la propriété, 1866.djvu/147

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C’est la conversion des bénéfices en alleux qui renverse la puissance carolingienne ; en revanche, c’est la conversion de l’alleu en fief qui amène peu à peu la servitude féodale.

Le noble, par orgueil, en mépris de la roture, s’attache à son fief, dédaigne la propriété allodiale. La loi de primogéniture vient ajouter encore à l’immobilisme du fief. Le bourgeois suit le droit romain ; l’alleu se coalise avec le roi contre le fief, qui succombe partout. En Angleterre, les choses se, passent autrement, mais toujours d’après la même loi. Les barons, que menace le pouvoir royal, saisissent l’occasion que leur offre la misère du roi Jean, dit Sans-Terre, pour lui arracher la grande Charte, fondement de toutes les libertés anglaises ; puis, s’unissant eux-mêmes aux communes, le fief à l’alleu, ils dominent définitivement la couronne. La constitution de l’Angleterre et toute son histoire s’expliquent par là. Aujourd’hui la propriété industrielle, jointe à une portion du sol possédée par la bourgeoisie, balance le pouvoir aristocratique : de là la prépondérance actuelle de la chambre des communes sur la haute chambre. On se trouve la plus grande somme de richesse unie a la plus grande liberté d’action, là est la plus grande force. Mais la propriété féodale, infériorisée, n’est pas pour cela annihilée ; loin de là, sa conservation est devenue un élément politique de la société anglaise. C’est pour cela que l’Angleterre est a la fois monarchique, aristocratique et bourgeoise : elle ne sera une démocratie comme la France que le jour où les bien nobles auront