Page:Proudhon - Théorie de la propriété, 1866.djvu/72

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esthétique. Jamais la confusion des langues n’avait produit pareil gâchis.

C’est en 1858, à propos du congrès de Bruxelles, que j’ai été amené à traiter spécialement de la propriété littéraire. Les principes que j’ai exposés sur la matière, à savoir que le domaine du vrai, du juste, du beau n’est pas appropriable ; qu’il ne peut être ni partagé, ni morcelé, ni aliéné ; que ses produits ne tombent pas dans la catégorie des choses vénales, ces principes, dis-je, sont résumés dans mon livre des Majorats littéraires.

« Les choses qui, par leur excellence, sortent du cercle utilitaire, sont, de plusieurs catégories : la religion, la justice, la science, la philosophie, les arts, les lettres, le gouvernement. » Pourquoi ? Parce qu’elles sont la substance morale de l’humanité, et que l’humanité ne s’approprie pas ; tandis que la terre et les produits de l’industrie, choses fongibles, matière serve, que l’homme l’ait faite ou seulement façonnée, est vénale, étrangère à l’homme. Pour assurer le triomphe complet de la liberté, on a dû interdire l’appropriation des idées, de la vérité et du droit, en même temps qu’on autorisait l’appropriation de la terre. La souveraineté du citoyen n’existe pas dans l’indivision terrienne ; elle périrait avec l’appropriation intellectuelle. Ces deux vérités, inverses l’une de l’autre, sont corroborées par la distinction que j’ai faite des choses vénales et des non-vénales. En effet, la terre, peut être vendue, dominée sans offense ; l’homme ne peut être vendu, et trafiquer de certaines idées, c’