Page:Proudhon - Théorie de la propriété, 1866.djvu/74

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monde matériel, appropriable, et le monde spirituel, non appropriable. Celui-ci n’est autre que l’homme même : idées, idéal, conscience, science, droit, justice, vertu, beaux-arts, tout cela, c’est l’humanité.

« Le soldat donne sa vie pour son pays, sans avoir reçu autre chose que sa solde, c’est-à-dire le strict nécessaire. Le chantre, qui met en paroles, en musique, si vous voulez, ce que l’autre a mis en action, mourir pour la patrie, exige plus que le vivre : il demande une couronne, des champs, des prés, des vignes, des propriétés !

« Lucie de Lammermoor expire en apprenant le retour de son fiancé : elle donne sa vie avec son amour à l’homme qu’elle a délaissé par obéissance, le croyant mort, et qui ne peut plus lui rendre rien. Le maestro, qui sur ce thème brode un opéra, réclame pour ses notes perpétuité de privilège ; l’actrice qui les chante veut aussi de l’or, de l’or, de l’or. Laïs, demandant à Aristippe mille drachmes pour une nuit, entendait l’amour comme la cantatrice entend l’art. Pères de famille, quelle pratique. allez-vous recommander à vos filles : celle de Laïs Ou celle de Lucie de Lammermoor ?

« Il y a dans la Bible une histoire, non pas plus touchante, mais plus instructive sans comparaison que celle de Joseph : c’est l’histoire des Tobie. Tobie père, devenu aveugle, ayant perdu tous ses biens, sa femme vieille et cacochyme, prend le parti d’envoyer son fils unique à son ancien associé Gabélus pour lui réclamer le remboursement d’une créance, sa dernière ressource.