Page:Proust - À la recherche du temps perdu édition 1919 tome 3.djvu/219

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reconnaissante aux amies qui veulent bien me prendre avec elles dans leur véhicule. C’est une véritable aubaine pour moi qui n’ai pas d’automédon. » « D’autant plus, répondait la Patronne (n’osant trop rien dire car elle connaissait un peu Mme  Bontemps et venait de l’inviter à ses mercredis), que chez Mme  de Crécy vous n’êtes pas près de chez vous. Oh ! mon Dieu, je n’arriverai jamais à dire Madame Swann. » C’était une plaisanterie dans le petit clan, pour des gens qui n’avaient pas beaucoup d’esprit, de faire semblant de ne pas pouvoir s’habituer à dire Mme  Swann. « J’avais tellement l’habitude de dire Madame de Crécy, j’ai encore failli de me tromper. » Seule Mme  Verdurin, quand elle parlait à Odette, ne faisait pas que faillir et se trompait exprès. « Cela ne vous fait pas peur, Odette, d’habiter ce quartier perdu ? Il me semble que je ne serais qu’à moitié tranquille le soir pour rentrer. Et puis c’est si humide. Ça ne doit rien valoir pour l’eczéma de votre mari. Vous n’avez pas de rats au moins ? — Mais non ! Quelle horreur ! — Tant mieux, on m’avait dit cela. Je suis bien aise de savoir que ce n’est pas vrai, parce que j’en ai une peur épouvantable et que je ne serais pas revenue chez vous. Au revoir, ma bonne chérie, à bientôt, vous savez comme je suis heureuse de vous voir. Vous ne savez pas arranger les chrysanthèmes, disait-elle en s’en allant tandis que Mme  Swann se levait pour la reconduire. Ce sont des fleurs japonaises, il faut les disposer comme font les Japonais. — Je ne suis pas de l’avis de Madame Verdurin, bien qu’en toutes choses elle soit pour moi la Loi et les Prophètes. Il n’y a que vous, Odette, pour trouver les chrysanthèmes si belles, ou plutôt si beaux puisqu’il paraît que c’est ainsi qu’on dit maintenant, déclarait Mme  Cottard, quand la Patronne avait refermé la porte. — Chère Mme  Verdurin n’est pas toujours très bienveillante pour les fleurs des autres, répondait doucement Mme  Swann.