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MÉLANGES

« Je n’ai pas ici, dit alors Ruskin, à étudier l’art de ces bas-reliefs. Ils n’ont jamais dû servir autrement que comme guides pour la pensée. Et si le lecteur veut simplement se laisser conduire ainsi, il sera libre de se créer à lui-même de plus beaux tableaux dans son cœur ; et en tous cas, il pourra entendre les vérités suivantes qu’affirme leur ensemble.

« D’abord, à travers ce Sermon sur la Montagne d’Amiens, le Christ n’est jamais représenté comme le Crucifié, n’éveille pas un instant la pensée du Christ mort ; mais apparaît comme le Verbe Incarné — comme l’Ami présent — comme le Prince de la Paix sur la terre[1] — comme le Roi Éternel dans le ciel. Ce que sa vie est, ce que ses commandements sont et ce que son jugement sera, voilà ce qui nous est enseigné, non pas ce qu’il a fait jadis, ce qu’il a souffert jadis, mais bien ce qu’il fait à présent, et ce qu’il nous ordonne de faire. Telle est la pure, joyeuse et belle leçon que nous donne le christianisme ; et la décadence de cette foi, et les corruptions d’une pratique dissolvante

    ces œuvres : « Au pied des murs de la petite ville du moyen âge commence la vraie campagne… le beau rythme des travaux virgiliens. Les deux clochers de Chartres se dressent au-dessus des moissons de la Beauce et la cathédrale de Reims domine les vignes champenoises. À Paris, de l’abside de Notre-Dame on apercevait les prairies et les bois ; les sculpteurs en imaginant leurs scènes de la vie rustique purent s’inspirer de la réalité voisine », et plus loin : « Tout cela est simple, grave, tout près de l’humanité. Il n’y a rien là des Grâces un peu fades des fresques antiques : nul amour vendangeur, nul génie ailé qui moissonne. Ce ne sont pas les charmantes déesses florentines de Botticelli qui dansent à la fête de la Primavera. C’est l’homme tout seul, luttant avec la nature ; et si pleine de vie, qu’elle a gardé, après cinq siècles, toute sa puissance d’émouvoir. »

  1. Isaïe, IX, 5.
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