Page:Puyjalon - Les hommes du jour Joseph Marmette, 1893.djvu/16

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« — Maintenant, la belle enfant, dit l’officier d’une voix horrible, à nous deux !  !  ! »

Heureusement que cet officier aux principes un peu relâchés n’a pas le temps d’accomplir le forfait qu’il médite. Il est tué d’un coup de mousquet par Tranquille, le serviteur d’Évrard, au moment où il allait atteindre la jeune femme. Celle-ci profite de sa délivrance inespérée pour se précipiter vers son mari…

« Elle accourait en toute hâte, autant que le lui permettaient ses forces surexcitées par l’émotion du moment, quand elle se trouva inopinément sur le faîte du rocher qui surplombait le ravin. La vue de son mari gisant tout au fond la frappa d’épouvante, et le vertige l’empoigna et la précipita du haut en bas du rocher.

« — Malédiction ! cria Tranquille, qui arrivait comme elle tombait. Il avisa quelques crans saillants de la roche et s’en aida pour descendre. Lorsque, tremblant de douleur, il arriva près de ses maîtres, il vit immédiatement, qu’ils étaient perdus. La chute d’Évrard avait déterminé en lui une lésion intérieure du poumon déjà blessé ; il perdait le sang à pleine bouche. Quant à la jeune femme, outre les meurtrissures de sa chute, la faiblesse, la misère, la douleur et l’effroi venaient de la jeter dans une syncope mortelle.

« À travers le nuage de l’agonie qui voilait à demi ses yeux, Marc aperçut son fidèle serviteur et le reconnut.

« — Evil ? demanda-t-il.

« — Mort ! répondit Tranquille.

« Évrard lui serra la main et lui fit signe de le rapprocher d’Alice étendue à quelques pieds de lui.

Quand ils furent à côté l’un de l’autre, Évrard enlaça de ses bras le corps de sa chère femme et le pressa sur son cœur dans une étreinte suprême. Elle tressaillit, ouvrit les yeux et lui sourit ; leurs lèvres se cherchèrent et leur vie s’exhala dans un dernier baiser !  !  ! »

Peut-être eût-on désiré un peu plus de naturel et de vraisemblance dans le caractère des héros de ce récit : les passions et les actes sortent un peu trop violemment de l’ordinaire. Mais l’action est bien conduite, très dramatique, très « empoignante », pour me servir d’un mot de l’auteur, et l’on ne saurait tenir compte d’un si léger défaut.

Marmette fait partie de la Société Royale du Canada. Il y entra dès sa création. L’an dernier, l’Université Laval le faisait docteur ès-lettres.