Page:Quatremère de Quincy - Considérations morales sur la destination des ouvrages de l’art, 1815.djvu/103

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font conspirer aux moyens de la séduire, c’est bien sans doute celui dont le modèle n’est saisissable que par la pensée, et dont l’imitation vague ne repose sur presque rien de sensible : je veux parler de la musique.

On a souvent révoqué en doute les effets prodigieux de cet Art chez les anciens, et l’on a traité d’exagérés les rapports des écrivains sur cet objet. Il me semble que c’est à tort, puisqu’il est constant que la mesure du plaisir de la musique n’est autre que celle de la sensibilité. Or, on pourrait tout au plus contester ici, non pas que ces effets aient été produits, mais seulement qu’ils l’aient été par des moyens capables encore de les produire aujourd’hui : controverse hors de notre jugement, comme on le voit, puisque ses élémens sont hors de notre portée. Car il ne s’agirait de rien moins que de comparer la valeur d’une musique qui nous est inconnue au degré de sensibilité d’un peuple qui n’existe plus. Il ne reste donc d’autres moyens d’apprécier le mérite comparatif de cet Art chez les Grecs et chez les modernes, que ceux de l’analogie respective, que, dans tous les temps et dans tous les pays, tous les Arts ont entre eux : genre d’épreuve qui n’est ni toujours, ni en tout péremptoire.