Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/116

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avec un chapeau dont les bords avaient plus de pente qu’une montagne, et la forme plus d’élévation que la cime d’un noyer, une épée qui avait à la garde plus de branches que le roi n’a d’éperviers dans ses équipages de chasse, et une camisole de peau de daim.

Cet homme étant entré, s’assit et, après nous avoir tous salués, dit à mon oncle : « Par ma foi, il faut convenir, Alonzo, que le Camus et le Bancroche l’ont bien payé ! » Le quêteur fit aussitôt un saut et dit : « Oh ! je donnai, moi, quatre ducats à Réchilla, bourreau d’Occagna, pour qu’il piquât et pressât la bourrique et ne prit pas le fouet à trois semelles, quand on me caressa le dos. » — « Vive Dieu ! s’écria le mulâtre, je n’avais que trop bien payé Lobrezno à Murcie ; néanmoins la bourrique allait le pas de la tortue, et le maraud m’appliqua les coups de manière que mon dos resta couvert d’ampoules. » — « Mes épaules, reprit le porcher, en se frottant dans son habit, sont encore vierges. » — « Parbleu, répliqua le quêteur, chaque porc à la Saint-Martin. » — « Je puis me vanter, dit mon bon oncle, que de tous ceux qui manient l’escourgée, je suis celui qui sait le mieux ce qu’il convient, quand on se recommande à moi. Ceux d’aujourd’hui m’ont donné soixante réaux, et ils ont eu des coups d’ami, avec un fouet bénin. »

Quand j’eus connu les honorables personnages avec lesquels mon oncle parlait, j’avoue que le rouge me monta au visage et que je ne pus dissimuler ma honte. L’archer, car tel était le mulâtre, s’en aperçut