Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/161

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demoiselle qui s’en défaisait pour vivre. Elle avait pour chaque chose un mensonge et un stratagème. Elle pleurait à chaque pas, poussait de grands soupirs et appelait tout le monde ses enfants. Par dessus une très bonne chemise, un corset, une espèce de justaucorps avec son jupon, une grande jupe, une mante, elle portait une robe de grosse bure toute usée et déchirée, qu’elle avait eue d’un ermite, son ami, qui demeurait dans les montagnes d’Alcala. C’était elle qui dirigeait tout dans la maison ; elle donnait des conseils, elle recélait. Le diable donc, qui n’est jamais oisif dans ce qui concerne ses serviteurs, voulut que cette digne femme, étant allée dans une maison vendre je ne sais quelle nippe et d’autres bagatelles, une personne reconnut un effet qui lui appartenait. Tout aussitôt l’alguazil est mandé. Il arrive ; et l’on arrête la vieille, qui se nommait Lebrusca. Elle avoua tout à l’instant, nous dénonça pour des chevaliers de rapine, et dit de quelle manière nous vivions. Après l’avoir déposée en lieu sûr, l’alguazil se transporta à la maison et nous y trouva tous, mes camarades et moi. Il avait avec lui une demi-douzaine d’archers, qui sont autant de bourreaux piétons, et il conduisit toute la société friponne à la prison, où la chevalerie se vit en grand danger.