Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/172

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conçurent de grandes espérances à la faveur du titre. Cependant je ne l’avais point et je ne savais pas davantage qui ils étaient. Le mari commençait à vouloir avoir des détails sur notre alliance, mais, pour qu’il ne me surprît pas en menterie, je feignis de m’en aller courroucé, en jurant et sacrant. Ils me retinrent l’un et l’autre, en me disant qu’il ne fallait plus parler de cela et qu’il n’y fallait plus penser. Je me fâchais de temps en temps, lorsqu’on s’y attendait le moins, en répétant : « Juan de Madrid ! Nous verrons, ajoutai-je, si l’on se moquera de la preuve que j’ai de son apparentage ! » D’autres fois, je disais : « Juan de Madrid le Grand ! Le père de Madrid épousa Ana de Acavedo la Grosse. » Et puis je me taisais durant quelque temps. Enfin au moyen de cette manœuvre, le concierge me donnait à manger et un lit chez lui, et à sa sollicitation le bon greffier, corrompu d’ailleurs par l’argent, fit si bien que la vieille sortit, marchant devant tous mes camarades, montée sur un palefroi à museau noir et précédée d’un de ces musiciens qui publient les fautes, lequel ne cessait de chanter : « Cette Femme est une voleuse ! » Le bourreau battait la mesure sur ses épaules, ainsi que les messieurs de robe le lui avaient notifié. Après elle allaient mes compagnons, à pied, sans chapeau, et la face découverte. On les exposait à la honte publique qui était double, puisque d’une part la justice découvrait leurs actions et que de l’autre chacun d’eux, à force d’être déguenillé, découvrait ses parties honteuses. Ils furent