Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/188

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commençai ma promenade. J’avais le manteau jeté sur l’épaule et le chapeau à la main. Tout le monde me regardait ; et l’un disait : « J’ai vu celui-ci à pied. » Un autre : « Le coquin est bien dans ses affaires ! » Je feignais de n’en rien entendre, et je me promenais.

Les deux chevaliers abordèrent un carrosse de dames et m’invitèrent à plaisanter un instant. Je leur laissai le côté où était la jeunesse et je me tins de celui de la mère et de la tante. Celles-ci étaient âgées ; elles avaient, l’une cinquante ans et l’autre quelque chose de moins. Je leur contai mille fleurettes. Elles les écoutaient, car il n’y a point de femme, si vieille qu’elle soit, qui n’ait autant d’années que de présomption. Je leur promis différentes choses. Je leur demandai l’état des personnes qui étaient dans la voiture avec elles ; et sur ce qu’elles me répondirent qu’elles étaient demoiselles, ce qui se reconnaissait en effet très bien à leur conversation, je dis que je souhaitais qu’elles les vissent pourvues comme elles le méritaient ; et elles applaudirent beaucoup au mot pourvues. Elles me questionnèrent ensuite sur ce que je faisais à Madrid. Je leur dis que je fuyais un père et une mère qui, sur l’appât d’une grosse dot, voulaient me marier contre mon gré à une femme laide, bête et de naissance méprisable. « Car, Mesdames, j’aimerais mieux une femme sans une obole et à l’abri de tout reproche, qu’une juive puissamment riche. Grâces à Dieu, mon majorat rend quarante mille ducats de rente,