Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

perdis la première partie. Alors j’allai à fond, et je leur gagnai environ trois cents réaux avec lesquels je pris congé d’eux et retournai chez moi.

Je trouvai le licencié Bradalagas et Pero Lopez, mes camarades, qui apprenaient de nouveaux tours de dés. Ils cessèrent dès qu’ils me virent, pour me demander comment la fête s’était passée, et je ne leur répondis rien autre chose sinon que je m’étais vu dans un grand embarras. Je leur racontai comment je m’étais rencontré avec Don Diégo, et tout ce qui m’était arrivé à cette occasion. Ils me consolèrent, en me conseillant de dissimuler et de ne point me désister de ma prétention, pour quelque raison que ce pût être.

Sur ces entrefaites, nous apprîmes que l’on jouait au lansquenet chez un apothicaire, notre voisin. Je possédai passablement ce jeu-là, je savais escamoter les cartes et j’en avais des jeux arrangés au mieux. Nous résolûmes d’aller leur donner un mort, c’est ainsi que nous nous exprimions pour dire : enterrer une bourse. J’envoyai mes amis devant. Ils entrèrent dans la pièce où étaient les joueurs et demandèrent si l’on voudrait bien recevoir un religieux bénédictin malade, qui était arrivé depuis peu chez une de ses cousines pour se faire guérir, et qui apportait beaucoup de réaux de huit et d’écus. À cette annonce chacun ouvrit de grands yeux, et l’on cria d’une voix unanime : « Vienne le religieux ! qu’il vienne ! » – « C’est un des gros bonnets de l’Ordre, ajouta Pero Lopez. Comme il est hors de sa maison, il veut