Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/200

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galoper à toutes jambes. Dans le temps que je m’amusais à le dresser, le faisant courir, et puis après l’arrêtant, on me dit qu’il y en avait là un avec qui je ne pourrais pas faire pareille chose. C’était justement celui du licencié. J’ai voulu l’essayer et l’on aura peine à croire qu’il est si dur des hanches, et qu’on y est si mal en selle, que c’est un miracle qu’il ne m’ait pas tué. » – « Oui, dit Don Diégo, aussi paraît-il que vous souffrez de cette jambe. » – « Cela est vrai, repris-je ; c’est pourquoi je voulais aller reprendre mon cheval et regagner la maison. » La jeune demoiselle resta en quelque manière très satisfaite et en même temps fort touchée et affligée de ma chute, autant que j’en pus juger par les apparences. Mais Don Diégo conçut un mauvais soupçon, à cause du procédé de l’avocat et de ce qui s’était passé dans la rue, de sorte qu’il fut entièrement cause de mon malheur, outre plusieurs autres chagrins que j’essuyai encore.

Le plus grand et la source de tous les autres fut de voir, en rentrant chez moi, que le bon licencié Brandalagas et Pero Lopez étaient disparus et qu’ils avaient emporté un petit coffre que je tenais enfermé dans une armoire, où était tout l’argent de ma succession, avec celui que j’avais gagné au jeu, à l’exception de cent réaux que je portais sur moi. Je restai comme mort, sans savoir quel parti prendre pour remédier à une pareille perte. Je disais : « Qu’on a tort de compter sur un bien mal acquis ! Il s’en va comme il est venu. Malheureux que je suis ! Que