Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/203

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nous marchâmes vers San Felipe, mais quand nous fûmes à l’entrée de la rue de la Paix, Don Diégo me dit : « Par la vie de Don Felipe ! changeons de manteau. Il m’importe de passer par ici sans être reconnu. » – « Volontiers », lui répondis-je. Et sur-le-champ je lui donnai le mien et je pris le sien, pour mon malheur. Je lui offris même de le suivre, pour garantir ses épaules en cas d’attaque par derrière, mais, comme c’était aux miennes qu’il en voulait, il me remercia, en me disant qu’il lui convenait d’être seul.

À peine nous fûmes-nous séparés que deux hommes qui le guettaient à dessein de le rosser pour une intrigue galante, me prenant pour lui en voyant son manteau, fondirent sur moi et firent pleuvoir une grêle de coups de plat d’épée sur mes épaules. Je poussai aussitôt de grands cris, et comme à ma voix et à mon visage, ils reconnurent leur méprise, ils s’enfuirent. Je restai dans la rue avec le présent qu’ils m’avaient fait. Je cachai trois ou quatre bosses que j’avais à la tête et je m’arrêtai quelque temps, la frayeur ne me permettant pas de passer outre.

Cependant, à minuit, qui était l’heure à laquelle j’avais coutume de parler à ma prétendue, je me rendis à sa porte ; et, lorsque je la poussai, un des deux chevaliers apostés par Don Diégo s’avança sur moi, me donna à travers les jambes deux coups d’un gros rondin et me renversa par terre. À l’instant l’autre s’élance, me fait une entaille d’une oreille à l’autre, et m’arrache le manteau. Après quoi, ils se sauvent