Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pendant ce temps-là deux hommes, qui s’étaient saisis d’elle, la tenaient et la traitaient de maquerelle et de sorcière. Qui aurait pu imaginer pareille chose d’une femme qui vivait de la manière que je l’ai marqué ?

Aux cris de l’alguazil, et aux grandes plaintes que je faisais, l’ami de la vieille, qui était un fruitier et qui se trouvait dans une chambre du fond, s’enfuit et se sauva de toutes ses forces. Les archers, l’ayant aperçu, et sachant d’ailleurs par un autre locataire de la maison que je n’étais point ce qu’ils pensaient, coururent après lui et l’attrapèrent ; de sorte qu’ils me laissèrent, après m’avoir arraché les cheveux et donné force coups de poings.

Malgré tout ce que je souffrais, je ne pouvais m’empêcher de rire des propos que les archers tenaient à la vieille ; car l’un, la regardant, lui disait : « Qu’une mitre vous siéra bien, bonne mère, et que je serai charmé de voir mettre trois mille navets à votre service ! » Un autre : « Messieurs les alcades ont déjà choisi les plumes pour que vous ayez bonne grâce en paraissant en public. » Enfin on amena le fruitier, on les garrotta tous deux, et on me laissa seul, après m’avoir fait bien des excuses.

Je me sentis un peu allégé, en voyant l’état où étaient les affaires de la bonne hôtesse, et je ne m’occupai plus que du soin de me lever à temps pour lui jeter mon orange, quoique à entendre ce que racontait une servante qui resta dans la maison, je doutasse des suites de son emprisonnement, parce que