Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/226

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accrochait, là un ruban vert que l’on pendait. Les unes parlaient un peu haut, d’autres toussaient. Quelques-unes employaient le signe des chapeliers, en faisant une espèce de sifflement, comme si elles eussent chassé des araignées.

En été, il faut voir comme les amants non seulement se chauffent au soleil, mais s’y grillent, et comme ils sont rôtis, tandis que les religieuses sont blanches et fraîches. En hiver, au contraire, le gramen et le cresson d’eau croissent sur le corps humide de ces tristes énamourés : ils n’échappent ni à la neige ni à la pluie et tout cela est pour voir une femme au travers d’un grillage ou d’un vitrage, comme les reliques d’une châsse. Il en est de ce goût bizarre comme de s’amouracher d’un sansonnet qui est en cage, s’il parle, ou en portrait s’il ne dit mot. Toutes leurs faveurs ne consistent qu’à faire du bruit qui ne sert à rien, à donner de petits coups avec les doigts, à approcher la tête des grilles, à débiter et passer des galanteries par des trous, en un mot à aimer en cachette. Notre sort est de les entendre tranquillement parler, de souffrir une vieille qui gronde, une portière qui gourmande, une tourière qui ment, et, ce qui est le plus singulier, de voir toutes ces béguines se montrer jalouses des femmes du monde, en nous disant qu’elles sont les seules qui savent aimer parfaitement, et en imaginant des choses diaboliques pour nous le prouver. Enfin j’appelais déjà l’abbesse Madame, le vicaire, Mon père, et le sacristain, mon frère.