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CONFESSIONS

l’Église d’Angleterre. Mais il se considérait lui-même comme un laïque, et recevait cette qualification sur les adresses des lettres de ses correspondances distinguées, et on ne peut supposer qu’ils étaient bien au fait des règles techniques de l’étiquette anglaise. L’étiquette, dans les en cas de ce genre, ne diffère pas entièrement de la forme oflieielle. Aujourd’hui la loi anglaise, ainsi qu’on l’a vu pour l’affaire de Horne-Tooke, est celle-ci : quiconque a été clergyman, reste clergyman. Le caractère sucré dont on est revêtu par l’ordination est indélébile. Mais, d’autre part, qu’est-ce qu’un clergyman ? On ne l’est pas quand on a reçu seulement l’ordre de diacre, à ce que j’ai du moins entendu dire ; on l’est seulement quand on a reçu le second ordre, qui est définitif, la prêtrise. S’il en était autrement, le amis de M. Lawson commettaient une bien grande erreur en le qualifiant de squire dans leurs lettres[1].

Qu’il lut squire ou non, clergyman ou non, qu’il eût un caractère sacre ou profane, M. Lawson n’en méritait pas moins quelque intérêt par sa position et son existence claustrale. La vie n’existait plus pour lui, quant à ces espérances ou ses épreuves. La seule épreuve qui lui restait à subir, était de lutter avec une maladie douloureuse, et de combattre à mort. Il avait à payer sa dette de mortel, il était en retard ; à cela près, tout était fini pour lui. Je fus frappé de l’idée qu’il avait une pauvre espèce d’intelligence ; je pouvais me tromper, à cause de mes moyens limités d’appréciation. Mais cela ne détruisait pas l’intérêt qu’il inspirait adora dans sa vieillesse : il avait au moins soixante-quinze ans ; cela n’ôtait rien à mon désir d’épeler à rebours et de lire ainsi le livre de sa vie. Quelles avaient été ses aventures en ce monde ? Avait-il eu des hauts et des bas dans sa carrière ? Quels triomphes avait-il obtenus dans

  1. Le sens de mots tels que clergyman, gentleman, squire, est trop connu en France pour qu’il soit nécessaire de les remplacer par des équivalents ; ceux-ci d’ailleurs manqueraient d’exactitude ; un clergyman n’est pas tout à fait un ecclésiastique, un gentleman n’est pas un monsieur (N. d. T.).