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CONFESSIONS

les punitions qui tiraient pour principe la couleur corporelle, tombèrent en désuétude, et cela longtemps avant que l’opinion publique se fût émue à ce propos. Comment la discipline était-elle donc maintenue ? Elle l’était par la conduite que s’imposaient les grands élèves et par l’efficacité de leur exemple, combinée avec leur système de règles. Les instincts naturels sont nobles, dès qu’ils ne sont pas foncièrement mauvais, à l’heure de la virilité naissante, je veux parler du moment où le sens poétique donne ses premières fleurs, et où les adolescents commencent à entrevoir le paradis qui se dessine furtivement dans un sourire féminin. Si l’établissement n’avait eu que ses élèves externes, il est plus que probable que les tendances à la vulgarité bruyante y auraient prévalu. Mais il se trouvait que la partie la plus figée de l’école, c’est-à-dire celle dont les élèves étaient sur la marge de l’adolescence, et se montraient de beaucoup les plus studieux, ayant tous le goût de la lecture, de la réflexion, tous sentant se développer en eux l’amour des lettres, cette partie se composait de pensionnaires. Les élèves appartenant à la maison exerçaient donc une influence prépondérante sur l’école. Ils étaient unis entre eux par des liens fraternels, tandis que les externes étaient isolés. Mais, ce qui était l’essentiel, il n’y avait point de cour de récréation, si petite qu’elle fût, dans l’école ; ou plutôt il n’y en avait point pour la classe supérieure ou la classe de grammaire. Car il existait aussi, grâce aux libéralités publiques, une école inférieure, où toute l’organisation de l’enseignement était réduite aux procédés les plus élémentaires pour apprendre à lire et à écrire. La salle où s’exécutait cette niche servile était située sous l’école supérieure, et formait, je pense, une reproduction souterraine de la salle d’en haut. Celle-ci étant de deux ou trois pieds seulement au-dessus du niveau de la rue voisine, l’école inférieure devait être située bien en dessous de ce niveau. Elle était sans doute une crypte obscure, comme on en voit sous maintes cathédrales : il faut que le cons-