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DU MANGEUR D’OPIUM

pendant que la famille et de nombreux Protestants de la ville étaient réunis dans la bibliothèque pour faire leurs dévotions.

« Boudet, qui commandait en second, était capitaine d’infanterie, âgé de vingt-huit ans. Son père, disait-il, vivait encore, quoiqu’il eût soixante-sept ans lors de la naissance de son fils. Il avait une taille de six pieds deux pouces. Dans sa personne, son teint, sa gravité, il donnait assez exactement l’idée du Chevalier de la Manche, dont il imitait l’exemple en racontant ses prouesses, ses hauts faits merveilleux, le tout dans un langage mesuré et avec un air sérieux et imposant. » L’Évêque le dépeint comme un homme vaniteux et irritable, mais qui se distinguait pur ses bons sentiments et ses principes.

Un autre officier, nommé Ponson, est décrit par lui comme un homme de cinq pieds six pouces, d’un entrain, d’une animation excessive, volage, bruyant et bavard à l’outrance. « Il était, dit l’Évêque d’une endurance, d’une patience admirables, par l’énergie et la faculté de se priver de repos. » Et pour prouver jusqu’à quel point il portait cette dernière qualité, voici l’exemple étonnant qu’on en donne : « Après avoir veillé cinq jours et cinq nuits sans interruption, alors que les rebelles montraient une avidité et une méchanceté croissantes, il semblait n’avoir perdu absolument rien de son entrain. »

Celle force particulière n’a rien de commun avec la force musculaire ; j’aurai l’occasion d’en faire plus d’une fois la remarque, et je puis y attacher quelque importance, pour expliquer le secret du bonheur, en tant qu’il dépend des ressources physiques. La faculté de supporter de longues veilles