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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

tièrement laissées à l’Évêque et à sa famille. Les Français poussèrent la délicatesse jusqu’à ne jamais inquiéter les femmes de la maison, jusqu’au point, que pas un d’eux ne monta jusqu’à l’étage du milieu, excepté le soir où ils prirent Castlebar ; deux officiers demandèrent la permission d’en porter la nouvelle à la famille et parurent assez vexés de voir qu’elle était accueillie avec un air de désappointement. » Pourtant ce ne furent point là les témoignages les plus importants des grands services que les Français furent en état de rendre en cette occasion. L’armée royale se conduisit mal à tous les points de vue. Elle était sujette, en campagne, à de continuelles paniques, qui eussent été fatales à la bonne cause sans l’écrasante supériorité des forces accumulées, et sans la prudence de Lord Cornwallis, et de plus elle se montra aussi dangereusement inconsciente dans l’abus qu’elle faisait de tout succès passager. Oubliant que les rebelles avaient entre les mains de nombreux otages, elle remit aussitôt en pratique l’ancien système appliqué à Wexford et à Kildare, de pendre et de fusiller sans jugement, sans songer une minute aux horribles représailles qu’elle pouvait provoquer. Ces représailles auraient eu lieu si heureusement les officiers français n’avaient pas eu quelque influence, et s’ils n’avaient pas fait preuve d’une grande énergie pour user de cette influence selon les temps et les lieux. Les Français durent employer tout leur pouvoir, faire appel à leur influence jusqu’au point de la ruiner, pour arriver à neutraliser les effets de la folle cruauté des Royalistes, et sauver les Protestants éperdus. L’anxiété fut terrible en ces moments-là. Moi-même, à deux ans d’intervalle, j’ai entendu bien des personnes