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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

Ce nuage fut percé enfin. Un frère perfide ou faible, qui occupait un rang élevé dans la société, et qui en possédait presque tous les secrets, fit un jour le voyage de Dublin en compagnie d’un loyaliste, et il laissa échapper, peut-être par ostentation, quelques mots sur la situation de confiance qu’il occupait. Cet homme faible, Thomas Reynolds, gentleman catholique romain, de Kilkea Castle, dans le comté de Kildare, était colonel d’un régiment d’Irlandais-Unis, trésorier pour Kildare ; il remplissait d’autres emplois de confiance pour la Société secrète, et M. William Cope, riche négociant de Dublin, eut assez d’influence sur lui pour alarmer son esprit en lui dépeignant les horreurs qui suivraient une révolution, dans l’état où était l’Irlande, et le décider à informer le gouvernement de tout ce qu’il savait. Sa trahison fut d’abord décidée dans la dernière semaine de février 1798, et à la suite de ses dépositions, le 12 mars, le gouvernement réussit à arrêter chez Olivier Bond, un groupe considérable des principaux conspirateurs. Cette fois tout le comité du Leinster, composé de treize personnes, fut capturé ; mais une prise plus importante fut celle des chefs proprement dits et membres du Directoire Irlandais, Emmet, Mac Nevin, Arthur O’Connor, et Olivier Bond. Leur place fut bientôt prise par ceux qui étaient inscrits à leur suite, et le même jour un billet manuscrit fut passé de main en main pour prévenir les effets du découragement parmi les membres de la conspiration. Mais Emmet et O’Connor n’étaient pas des hommes que l’on pût remplacer efficacement. Le gouvernement avait frappé un coup mortel, sans se douter tout d’abord de sa bonne fortune.