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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

protestant, qui avait quelque temps commandé en chef l’armée rebelle, et avait éprouvé toute sorte d’ennuis, à qui on n’avait pas à reprocher la moindre cruauté, la moindre violence, fut un des condamnés à mort. Il avait possédé un domaine qui donnait près de trois mille livres de revenu. À la même époque, on exécuta avec lui un autre gentleman, Cornelius Grogan, qui avait un domaine d’un revenu plus que triple, il est singulier que des hommes de cette condition et de cette fortune, des hommes sensibles et bien élevés, qui ne pouvaient s’attendre à rien gagner dans de telles crises révolutionnaires, eussent joué leur repos et le bonheur de leur famille dans une affaire dont le début même faisait prévoir l’issue désastreuse.

Il y en eut pourtant, et de ce nombre furent peut-être ces gentlemen, qui auraient pu faire valoir des motifs assez intelligibles ; ils avaient été forcés par les persécutions, et en quelque sorte obligés de mordre à l’appât, pour entrer dans les rangs des rebelles. Il y eut une différence caractéristique dans la manière dont moururent ces gentlemen, en égard à leurs habitudes antérieures. Grogan était naturellement timide, et pourtant il soutint avec courage la vue de l’échafaud et des terribles préparatifs de l’exécuteur. Au contraire Bagenal Harvey, qui s’était plus d’une fois battu en duel avec sang-froid, se montra tout tremblant à ses derniers moments. Peut-être chez l’un et l’autre la différence était-elle due entièrement à quelque mortification physique dans leur santé, ou à quelque trouble nerveux momentané.

Parmi le grand nombre des personnes d’un rang supérieur qui souffrirent la mort en cette époque désastreuse, il y en eut deux que je regrettai le