Page:Quincey - Souvenirs autobiographiques du mangeur d’opium, trad. Savine, 1903.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
196
SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

unique paire de chevaux, vous faisiez généralement vos six milles, et même si vous étiez obligés de voyager pendant la nuit, vous pouviez continuer à le faire, bien que plus lentement, et enfin si vous étiez d’un tempérament à supporter les délais, à ne pas exiger de tout le monde la hâte, l’énergie de Hotspurs, le système de cette époque comportait une respectabilité, un confort somptueux, bien fait pour vous rappeler le home que vous aviez quitté, sinon avec toutes ses élégances, au moins avec ses commodités solides.

Quels bons nids que ces vieux salons, avec leur plafond bas, les vastes foyers flambants, où l’on était abrité des courants d’air par des paravents qui étaient ou me paraissaient capables de se ployer et de se déployer indéfiniment. Et quelles maternelles aubergistes ! Comme elles se laissaient aller à la bonté la plus prodigue, cédant au simple attrait de la simplicité et de la juvénile innocence, et trouvant une occasion de manifester leur intérêt dans le seul fait que si jeune, je voyageais déjà. Et enfin, ces jeunes bonnes aux joues florissantes, combien elles différaient des soubrettes futées et rouées qu’on trouve sur les routes modernes. Parfois enfin on voyait de braves garçons de salle à tête grise, si sincères, si attentifs, en comparaison de leurs successeurs si roués, avec leur éternel : « On y va, monsieur, on y va ! » comme on les trouve dans notre génération perfectionnée.

Tel était le vieux brave homme de garçon à la tournure de sommelier, qui nous servit pendant le dîner à Chesterfield et découpa en me pressant de manger. Méphistophélès lui-même sentit sa morgue fondre sous l’influence du vin, et quand