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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

ou quelque autre récipient. Son personnel s’inclina avec déférence devant cet ordre, et l’on apporta avec précaution une terrine, « Comment ! fit Scaliger, rien qu’une pour tant de monde ! » Et cette terrine unique contenait la valeur d’une tasse à thé d’eau ; mais le grand littérateur ne tarda pas à s’apercevoir qu’il devait se montrer reconnaissant du peu qu’il avait obtenu. Il avait fallu à la chancellerie anglaise toute sa puissance pour faire venir cette tasse d’eau, et ce Jour-là, nul homme possédant son bon sens, ne se fût risqué à en demander une seconde. Il fallut lutter presque autant, et pour obtenir une réforme qui ne coûtait pas davantage, à partir des années 1805-1806. Naturellement les gens qui voyageaient en chaise de poste, pouvaient demander ce qui leur plaisait, et généralement ils demandaient, une chambre à coucher. Mais c’est des voyageurs, de la diligence que je parle. L’innovation spéciale dont il est question, commença, comme cela se conçoit par la malle-poste, qui avait une clientèle beaucoup plus choisie, grâce à son tarif beaucoup plus élevé. Je jouai un rôle dans les premières tentatives de sortie qu’on fit lors de cette inquiétante révolution. Je me rappelle fort bien l’ahurissement de certains garçons, l’indignation de certains autres, la répercussion des grognements, jusqu’à la buvette, jusqu’à la cuisine, jusque dans les écuries, lorsque nous ouvrîmes le feu de nos extravagantes demandes. Dans certaines circonstances, l’hôtelière crut la chose assez importante pour solliciter son intervention personnelle, et vint nous faire la morale sur notre conduite inouïe. Mais nous cédâmes peu à peu. Comme Scaliger, nous obtînmes tout d’abord