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DU MANGEUR D’OPIUM

elle est sur le point, grâce à cette situation, de se retrouver sous les yeux de son père qui l’adore. Mais les chances favorables s’accumulent en vain devant l’être qu’a choisi l’infortune. Elle ne revoit plus son père, et le drame dont la première partie seule est finie, se clôt sur la perspective de son embarquement pour un lointain pays. Comment ce drame se serait-il terminé, si Gœthe avait jugé à propos de l’achever, c’est ce que j’ignore et ne puis deviner. Le dénoument n’en aurait pas été heureux, et cependant le cœur eût demandé à être soulagé par quelque sorte d’αναγνωρισις (reconnaissance) alors même qu’il eût été trop tard pour une joyeuse réunion.

Néanmoins dans le cas dont il s’agit, l’on peut se demander si cette rencontre et cette séparation, l’une et l’autre à notre insu, à Oxford, devaient être considérées comme une malechance. Il est vrai, Pink endura des souffrances pendant des années, au moins quatre, que lui aurait épargnées cette opportune rencontre, mais d’autre part en continuant sans perdre courage à voyager de malheur en mésaventure, jusqu’à leur fin naturelle, il gagna une expérience et conquit des distinctions qui sans cela lui eussent échappé.

Voici le sommaire de ce qui lui advint par la suite.

Il réussit sur je ne sais quel point du fleuve de la Plata, à échapper aux pirates. Longtemps après, en 1807, je crois, (car je n’ai pas sous la main les livres nécessaires) il fit partie de l’expédition anglaise qui prit d’assaut Montevideo. Là il eut le bonheur d’attirer sur lui l’attention de sir Henry Popham. Celui-ci fit aussitôt monter à bord de son propre vaisseau mon frère en qualité de midship-