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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

réalités, des fondations que rien n’a pu ébranler, est celle qui fera le moins parler d’elle, celle qui sera la moins loquace et la moins bruyante dans les manifestations de sa puissance, ces manifestations se produisant le plus souvent non point là où le courant est le plus violent, mais là où il est le plus contrarié par la résistance, alors même qu’il aurait en ce point son minimum de force.

En Angleterre, la raison essentielle pour laquelle le sentiment aristocratique se fait sentir si vivement et s’impose si nettement à l’examen de l’observateur prêt à la censure, c’est qu’il mène une existence troublée entre des influences adverses, opposées, aussi nombreuses que puissantes. Les preuves surabonderaient. Mais en ce qui touche à la question présente, il suffira de dire ceci. Chez nous, la profession qui a pour objet la recherche et la pratique de la science comme moyen d’existence, est honorable ; sur le continent il n’en est pas ainsi. Par exemple, l’instruction qui se personnifie dans les trois professions libérales, conduit chez nous à la distinction, à l’importance sociale. C’est une affirmation que personne ne contestera, pas plus qu’on ne pourra nier, par voie de conséquence, que les professeurs prennent une place personnelle parmi la classe la plus élevée des gentlemen. Je le demande, est-ce que chez nous ils ne sont point partout sur le même niveau, par le rang et la considération, que ceux qui ont une commission royale dans l’armée et dans la marine ?

Peut-on dire qu’il en soit de même, entièrement ou partiellement, sur le continent ? À cela, je réponds : non. Prenons pour exemple l’Allemagne. Dans bien des villes (dans toutes, autant que je