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DU MANGEUR D’OPIUM

puis le savoir) on voit une séparation bien tranchée, parmi les notabilités locales ou les classes plus aisées, en deux coteries bien distinctes, souvent hostiles : l’une d’elles se compose de ceux qui sont nobles ; l’autre se compose de familles également bien élevées, tout aussi distinguées, mais qui ne sont pas nobles dans le sens qu’on donne à ce mot sur le continent. La signification et la portée de ce terme sont si complètement méconnues des meilleurs écrivains anglais, à cause de l’application qu’ils en font journellement, qu’il est maintenant de quelque importance d’en fixer la définition. Une noblesse, qui est assez nombreuse pour remplir une salle de bal distincte dans toute ville, même de sixième grandeur, ne saurait être de la noblesse dans le sens que nous attachons, en Angleterre, à ce mot. En fait, un edelmann, un noble allemand est exactement ce que nous entendons par un gentleman de naissance, avec cette unique différence que, chez nous, le rang qui donne ce titre à un homme comporte des nuances décroissantes et finalement des différences imperceptibles par lesquelles il se perd et se confond invisiblement dans les rangs inférieurs ; et qu’il est impossible de tirer une démarcation, une ligne de séparation bien nette. Au contraire, le noble continental montre certaines barrières fixes, sous la forme de privilèges qui le séparent per saltum[1] de ceux qui appartiennent à un ordre inférieur. Mais, n’était cet unique avantage légal avec ses limites rigoureuses et ses légères proéminences, le noble continental, soit baron allemand, ou comte français, soit prince italien ou russe, se

  1. Par un fossé.