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DU MANGEUR D’OPIUM

vers moi la face de la pièce avec un regard significatif, en murmurant très bas quelques mots, où je distinguai ceux de Grâce de DieuFrance, Irlande, — Défenseur de la Foi. Cette solennelle lecture de la légende de la pièce avait quelque chose de plaisant. Le but en était de me faire perdre mon sérieux au moment où nous rencontrerions le roi. Lord W. avait lui-même perdu quelque chose du respect naturel à un jeune homme qui se trouve pour la première fois dans cette situation, parce qu’il était fréquemment admis en présence du roi. Quant à moi, la personne du roi m’était encore inconnue. J’avais sans doute vu toutes ou presque toutes les princesses dont j’ai parlé, et maintes fois, dans les rues de Windsor, la disparition soudaine des chapeaux de dessus toutes les têtes m’avait averti qu’un personnage royal ou autre suivait ou traversait la rue, mais le roi ne se trouvait pas dans le groupe, ou bien je ne l’y avais pas distingué. Et cette fois-ci, la première, je me trouvai face à face avec lui ; car, bien que l’allée où nous nous trouvions ne fût par celle que parcourait la famille royale, elle en était si rapprochée, et s’y rattachait par tant de sentiers de traverse très peu espacés, que nous devions être aperçus et que nous ne pouvions nous dispenser d’aller nous présenter.

Ce qui eut lieu alors fut naturellement tout à fais insignifiant, et je sais qu’il n’eût guère valu la peine de le rapporter, sans une réflexion que l’incident me suggéra quelques années plus tard. Le roi commença par adresser quelques mots pleins de bonté à mon compagnon, s’informa minutieusement de la santé de sa mère et de sa grand’mère, comme de personnes qui lui étaient particulière-