Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VII, 1857.djvu/150

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Secondement, elle peut n’être frappée que de la discorde de l’homme et de la nature, de l’homme et de Dieu, de l’homme avec lui-même. Elle recherchera les occasions de lutte avec autant de soin que la précédente recherchait le repos ; elle instituera un dialogue, ou plutôt une querelle nécessaire entre tous les objets qu’elle fera comparaître. L’idée du hasard ou de la fatalité la gouvernera, au lieu de l’idée divine. Les dieux eux-mêmes n’apparaîtront guère que vers la fin, au dénoûment, pour mieux témoigner qu’ils étaient absents dans le reste de la pièce. Elle vivra de haines, de méprises ; elle s’agitera dans les ténèbres du cœur de l’homme ; elle s’appellera la poésie dramatique. Ainsi, deux aspects différents de l’univers et du créateur, de la terre et du ciel, et deux ordres distincts de poésie qui sont réfléchis par l’histoire. Dans l’Orient primitif, l’humanité était encore, par sa pensée, trop près de son créateur, l’unité trop respectée, pour que le drame pût s’y développer dans sa forme complète. La bible est à la fois épique et lyrique. Il faut attendre la séparation complète qui se fit chez les grecs des choses divines et des choses humaines, des dieux et des Titans, du temple et de la cité, pour trouver le drame sous la forme achevée de l’art.

De ces origines différentes suivent naturellement les lois spéciales de chacun de ces genres de poëmes. De là la différence de leurs constitutions, de leur génie, de leurs beautés, et si l’on poussait cet examen plus loin, du style et des formes métriques qui leur sont propres.

La poésie épique étant, à proprement parler, la poésie de la providence ou le jugement divin de l’histoire, il ne lui suffit pas de peindre et de montrer les choses dont elle s’occupe, il faut encore qu’elle en dévoile les causes et les mystères. De là, la nécessité pour elle de l’assistance du ciel, que l’on a traduite dans la langue des critiques, par le besoin du merveilleux. cette nécessité a été tellement sentie, que l’on a cru que les temps modernes