Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VII, 1857.djvu/286

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Quand on cherche du fer, apporter tes discours,
Et toi-même en leur source empoisonner tes jours ?
Dis, France, m’entends-tu ? Comme au jour de frimaire
Ton ciel est sombre et lourd et ta vallée amère.
Où donc as-tu planté l’arbre de fructidor ?
Où donc as-tu semé l’épi de messidor ?
Les petits des oiseaux, en ton sillon immense,
Ont-ils déraciné le germe et la semence ?
Où sont tes fils aînés, cheveux longs, et pieds nus,
Mendiants immortels, sous des noms inconnus,
Que partout l’on a vus affamés de batailles
Être en quête partout de promptes funérailles ?
Ceux-là, malavisés, ne savaient pas encor
Ce qu’on peut acheter avec un denier d’or.
Ils n’avaient point au cou de riches broderies,
Ni tant de beaux rubans, de nobles armoiries ;
Et des jougs argentés ne courbaient pas leurs fronts ;
Non, ils n’étaient point ducs, ni comtes, ni barons,
Ni pages, ni valets de leurs propres caprices ;
Il n’avaient sur leurs seins rien que leurs cicatrices.
Non, ils ne savaient pas dormir sur le duvet
Quand sonnait le clairon, ni trahir un secret,
Ni mentir au soleil, ni renier leur ombre,
Ni regarder du bord un empire qui sombre,
Ni vendre leur parole, en prose comme en vers,
Ni demander merci de l’immense univers.
Mais, sitôt que le jour commençait à paraître,
Sans pain et sans souliers, sans serviteurs, sans maître,