Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VII, 1857.djvu/317

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Si je change de place, un univers murmure ;
Et pour épouvanter les rois sous leur armure,
Il ne faut sur leur rive, au lieu de mon vaisseau,
Que ma capote grise ou mon petit chapeau.
Amis, vous reverrez ce grand pays de France ;
Vous reverrez sans moi ses hauts monts de vaillance,
Et ses bois, et ses champs, et sa tour des héros ;
Portez-y ma poussière et cachez-y mes os,
Afin qu’en mon sillon, de mes cendres semées,
On voie, en une nuit, renaître mille armées.
Sinon, emportez-moi sous le saule pleureur
Dont l’ombre était si douce à mon front d’empereur.
Je lègue en ma pensée : aux peuples, ma couronne ;
Mon orage éternel au ciel qui m’abandonne,
À chaque jour qui luit mon pesant souvenir,
Ma gloire au genre humain, mon œuvre à l’avenir.
Je lègue à mon enfant une place en ma tombe ;
Et mon orgueil au flot qui s’élève et retombe ;
De mes projets altiers le sable à l’océan ;
De mes mille désirs la poussière au néant ;
Au sommet sourcilleux le vent de ma colère ;
Et mon nom à l’écho, mon trône au ver de terre.
Amis… il se fait tard. Adieu, retirez-vous !
Ailleurs qu’en cet exil nous nous reverrons tous.