Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/101

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faire plus de bruit, vous frappez en cadence peuple contre peuple, empire contre empire, rois contre rois, Asie contre Asie, cymbales contre cymbales, ruines contre ruines, et sur le bouclier le bouclier. Je vous entends, je ne vous vois pas encore par les fentes de mes murailles. Je suis trop courbée sous mon fardeau de dieux. Ma tête est si chargée de leurs amulettes, qu’elle ploie sur mes genoux comme une femme qui sommeille. Leurs noms sont si nombreux, que ma langue est trop épaisse pour les dire sans se tromper. Mes sœurs, écoutez-moi ; puisque vous voilà rassemblées, que penseriez-vous si, de tous nos dieux entassés l’un sur l’autre, nous ne faisions plus qu’un Dieu. Comme un fondeur qui remue son creuset, que diriez-vous si toutes nos idoles, béliers d’airain, becs d’éperviers, amulettes de cuivre, serpents d’or, nous les jetions pêle-mêle dans ma chaudière de devin, pour n’en faire qu’une idole qui n’aurait plus qu’un nom ? Nous n’aurions plus à porter sur nos bras tant de petits pénates que nous perdons dans le chemin. Un colosse sans bornes, aussi grand que l’univers, nous suivrait partout comme un homme : d’un pas, il enjamberait nos mers et nos années.



Les Villes.

Vous êtes notre aînée, vous êtes la plus grande, dites, que faut-il faire ?



Babylone.

Attelez vos licornes ; chacune montez sur vos chariots retentissants : formez autour de ma chaudière une ronde enchantée. Bactres, hâte-toi, jette dans ma chaudière, en passant, ton centaure de bronze ; Persépolis, jetez-moi les pieds dorés des dragons de l’Iran ; Memphis, ramassez sur vos escaliers les écailles de votre crocodile ; Thèbes, coupez avec vos ciseaux les tresses aplaties de votre noire