Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/76

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soleil. Crins plus voltigeants au vent que les lianes des bois, plumes diaprées, perles rampantes, regards tombés des nues sur l’ombre d’une feuille, soif de vie, soif de mort, dis-nous, océan, si ce n’est pas assez pour être Dieu. Les jours viendront, les temps s’entasseront ; jamais aucun temps ne verra nos griffes s’user, ni le bout de nos ailes se salir de limon, ni leurs couleurs s’éteindre sous la pluie. Après mille ans, la source tarissante réfléchira comme aujourd’hui nos aigrettes qui naissent, notre duvet qui vient à poindre. Toujours nous passerons par le même chemin sans nous lasser jamais ; toujours nous étendrons nos ailes dans les nues sans jamais les fermer ; toujours nous partirons pour le même voyage. Que les oiseaux commencent à se former en pointe pour fendre le vent ; que le plus léger prenne ses ailes. Trois jours, trois nuits, qu’il vole droit au ciel ; qu’il crie aux quatre vents : où est le roi des mondes ? Et Léviathan descendra en rampant dans les marais, et répondra des gouffres de la terre : c’est nous qui sommes Dieu.



Chœur des Géants et des Titans.

Frères, c’est l’heure, sortons de nos cavernes.

Notre sommeil a été long, plus long le rêve qui a pesé sur nos poitrines dans cette immense nuit. Avant que d’être, l’univers, comme un songe qui se détruit, qui se refait toujours, a passé dans nos âmes et nous a fait tressaillir sur nos lits de rochers. Quelles ombres monstrueuses qui ne seront jamais ont pesé, en esprit, sur nos seins haletants ! Frères, vous en souvient-il de cette attente sans fin qui dormait