Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/99

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des sphères sur leur dos. Je m’ennuie seule dans mon temple, quand j’ai allumé ma lampe. Si j’osais, j’aimerais mieux monter sur ma terrasse pour appeler mes sœurs. Où sont-elles allées depuis le jour où les ibis et les griffons nous ont menées, chacune, par un sentier ?



Babylone.

Est-ce vous qui parlez bas ? Ma sœur, est-ce vous, Thèbes, qui portez ces bandelettes sur la tête ? Est-ce vous à qui un faucheur a donné ces corbeilles d’acanthe ciselées que des sphinx vont brouter ? Si c’est vous, montez au plus haut de vos tours avec vos sœurs. Parlez-moi toutes avec le bruit du chariot, avec le bruit de la ruine, avec la pointe du glaive, avec le murmure de la foule, avec le pas des armées sous vos portes, avec votre colonne croulante, avec vos cistres dans le temple, avec le sceptre du roi qui tombe, avec le sifflement de la flèche dans le combat, avec la rame de la galère dans le fleuve ; parlez-moi plus haut pour que j’entende vos voix sur ma terrasse.



Ninive.

Je demeure près de vous ; mais je suis trop vieille pour monter sur ma terrasse. Mon escalier croule sous mes pieds. Ni cistres d’or, ni peuples dans mes rues ne grossissent plus ma voix. Dans mon palais, je n’ai plus pour vous répondre que le murmure des orties et des herbes qui sont à présent mes échansons.



Persépolis.

Mon pays est dans l’Iran. Quand vous nous avez appelées, je menais mon troupeau de griffons s’abreuver vers mon puits de naphte. Le matin, je file dans ma tour une robe pour mes péris ; le soir, j’allume mon feu dans ma cendre pour prêter un tison à l’étoile qui s’éteint.

M’entendez-vous ? J’ai crié avec l’essieu du char, j’ai henni avec la cavale, j’ai sifflé avec la flèche, j’ai retenti