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CINQUANTE ANS D’AMITIÉ


Dans cette très belle lettre où il parle de son volume Louis XV et de son séjour à Aix, Michelet exhale plus que jamais, avec son ardeur juvénile, son admiration pour la Révolution de Quinet : « Dieu veuille, dit-il, que l’éditeur ne l’envoie pas rue de l’Ouest ».

Le point central de cette unité d’esprit et de cœur entre Michelet et Quinet, qui leur était si chère, ce lien indestructible, c’était la Patrie. Qu’importent les divergences sur l’Eglise révolutionnaire ? Michelet tenait essentiellement au culte de la déesse Raison. Mais le dogme qui leur était commun à tous deux, c’était la religion de la Patrie.

Le 11 novembre, il écrit à Mme  Quinet :

Le fragment de la Revue, lu et relu, m’a paru de plus en plus admirable. J’ai faim et soif du volume.

Le 26 novembre, toujours à Aix, il s’adresse à Quinet :

S’il y eut jamais ce qu’on appelle un monument, c’est-à-dire la chose grandiose, durable et (ce que sont rarement les monuments) utile, utile à jamais, c’est celui-ci. Tout est grand, fort, magnanime. Vous avez été un peu loin dans l’éloge pour Saint-Just et pour Louis XVI à la fin, mais cela ne fait rien. Vous avez été admirable, courageux sur les Girondins. Vous avez dit et bien mieux que je n’ai su dire. Notez que je reçois le livre. Et j’ai lu peu encore, à droite, à gauche, dans la première avidité… On n’aura jamais plus d’esprit qu’il n’y en a dans cette œuvre de génie. Comme vous regardez toujours le but, l’avortement, elle est amère, amère, amère… La finale est sublime, portera coup. Par-dessus un tel livre, c’est un superbe effort de nous commander d’espérer.

Il relève les choses fines, ingénieuses, sur ce que la Révolution a refait Rousseau âge par âge, copiant sa