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versé la moindre goutte de l’alcool « dénaturé et surna­turé » qui faisait les délices de ses clients. Lorsqu’on pra­tique soi-même certains mélanges, on a, pour ces « bibines » le respect le plus absolu.

Aussi, dans son bar de la 69e Avenue, notre héros était un être morose et âpre au gain. Quelle différence d’avec le beau gars joyeux et expansif qu’avait connu, dans la cave de Château-Thierry, Mlle Geneviève Petit, séduite au premier coup d’œil.

Restituez-moi le même bonhomme en France, au milieu de liquides variés, vous lui tournez la tête au moins pour un temps. Vous l’alcoolisez, le métamorphosez, le tour­neboulez, le virevoltez, le mettez au pas de joie, le couchez avec qui se présente, le faites danser dans tous les dancings, le faites déambuler avec le premier voyou, l’endormez enfin chaque soir du sommeil le plus lourd que puisse laisser tomber sur nos têtes la divinité. Morphée, disaient les anciens. Oui, chaque soir c’est presque un cadavre. Il est mort fait par la boisson.

Et, durant les extraordinaires visions, les étranges pensées, les saugrenues décisions que peut suggérer un alcool quelconque additionné de diverses essences, notre homme vague et divague. Ainsi Teddy se meut en France.

Léa, ma fille, ton règne fut éphémère, comme la vie d’un joli papillon. Tu fus solennellement balancée un beau matin, à Strasbourg.

Oui, un beau matin que ce cher Teddy avait rencontré dans les couloirs d’un bowling une charmante petite poulette.

Après la cave, après le couloir, après les water de l’Hotel Moderne, pourquoi n’eût-ce pas été le bowling ? Et toujours debout pour la conquête, bien entendu. C’est une habitude chez notre Américain.

L’affaire est d’ailleurs très simple. Il est midi, heure