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procès. Le roi lui demanda quel était le prononcé du jugement. — Sire, répondit-il, le jugement porte que je dois être débotté. — Débotté, dites-vous ? — Oui, sire ; j’ai bien compris ces mots : Dicta curia debotavit et debotat dictum actorem, etc. — Ah ! je vous entends, reprit le monarque en riant ; vous me signalez un abus toujours subsistant, malgré mes ordonnances[1] ; l’avis n’est pas à dédaigner. Colin, lecteur royal, était présent à ce dialogue. Il s’éleva contre l’usage barbare de rendre la justice en latin, et depuis, toutes les fois que l’occasion s’en offrit, il soutint la même thèse en répétant le debotavit et debotat à l’appui de ses arguments. La plaisanterie eut un bon effet. Elle porta François Ier à donner l’ordonnance de Villers-Cotterets, qui prescrivit que dorénavant tous les arrêts judiciaires seraient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel françois et non autrement. Cette célèbre ordonnance, à l’exécution de laquelle on tint la main, excita le mécontentement des gens de pratique dont elle bouleversait le protocole. Ils crurent en faire une grande critique en disant qu’elle était venue à propos de bottes, et c’est alors que fut mise en vogue cette expression pour signifier une chose faite ou dite hors de propos, sans motif raisonnable. Je dis seulement fut mise en vogue, car elle existait déjà. Je me souviens de l’avoir trouvée dans un livre antérieur au règne de François Ier, avec une annotation marginale qui en a rapporté l’origine à une autre époque et à une autre cause. L’époque est celle de l’occu-

  1. Avant l’ordonnance que François Ier rendit à Villers-Cotterets, au mois d’août 1539, il en avait rendu deux autres sur le même sujet, celle de 1532 et celle de 1529. Il s’était montré en cela imitateur de Louis XII, qui avait prescrit par un arrêt de 1512 d’employer le langage françois uniquement et exclusivement à tout autre dans les actes publics, et Louis XII lui-même n’avait fait que suivre l’exemple de Charles VIII, dont un décret daté de 1490 exigeait que les dépositions judiciaires fussent écrites en français. Mais l’usage de cette rédaction en langue maternelle remonte beaucoup plus haut. Il était assez fréquent sous le règne de Louis IX ; et il y a des preuves irrécusables qu’il existait du temps de Philippe-Auguste, même du temps de Louis VII.