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CLO

si elle ferait bien de se remarier. Elle alléguait qu’elle était sans appui et qu’elle avait un excellent valet fort habile dans le métier de feu son mari. — C’est bien, lui dit le curé ; mariez-vous avec lui. — Mais, ajouta-t-elle, il y a du danger à cela : je crains que mon valet ne devienne mon maître. — En ce cas, ne l’épousez point, répliqua le curé. — Comment ferai-je donc ? s’écria-t-elle ; car je ne puis soutenir seule le poids des affaires que m’a laissées mon pauvre défunt, et j’ai besoin absolument de quelqu’un qui le remplace. — Eh bien ! prenez ce quelqu’un. — Cependant s’il avait un mauvais caractère, s’il ne songeait qu’à s’emparer de mes biens et à les dissiper. — Alors, ne le prenez pas. C’est ainsi que le curé ajustait ses réponses aux arguments de la veuve et abondait toujours dans leur sens. Voyant enfin qu’elle aspirait à de secondes noces et qu’elle avait un penchant décidé pour son valet, il lui conseilla d’écouter attentivement les cloches de l’église et d’agir suivant ce qu’elles lui diraient. Quand elles sonnèrent, elle interpréta leur son conformément à ses désirs et entendit fort distinctement ces paroles : Prends ton valet, prends ton valet. En conséquence elle se hâta de le prendre. Mais bientôt après elle fut menée rudement et battue par ce nouveau mari, et de maîtresse qu’elle était elle se trouva servante. Dans sa douleur, elle alla se plaindre au curé du conseil qu’il lui avait donné, maudissant le jour où elle avait été trompée par les cloches. Le curé lui répondit qu’elle ne les avait pas bien entendues. Pour le lui prouver il les fit sonner encore, et la pauvre femme comprit alors qu’elles disaient : Ne te prends pas, ne le prends pas. Le malheur lui avait donné de l’intelligence.

J’ai traduit littéralement cette dernière historiette du troisième sermon latin De viduitate (du veuvage), par Jean Raulin, moine de Cluny, prédicateur du xve siècle, qui ne le cède en rien à Maillard, à Barlette et à Menot. Rabelais en a copié les principaux traits dans les chapitres 9, 27 et 28 de son troisième livre.

clou.Un clou chasse l’autre.

Proverbe pris du latin : il se trouve dans cette phrase de la