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Duchat, qu’on dit rouge-cramoisi, violet-cramoisi[1]. On lit dans Rabelais (liv. v, ch. 46) : Rimer en cramoisi, c’est-à-dire faire des vers aussi excellents dans leur genre que l’est le cramoisi en fait de couleur. — Aujourd’hui l’expression en cramoisi ne s’adapte plus guère qu’à un mot pris en mauvaise part, et dont on veut étendre le sens péjoratif. Il en est de même en italien : Poltrone in cremisino signifie poltron au suprême degré.

Le mot cramoisi vient du mot arabe kermès passé dans notre langue, où il désigne en général la couleur rouge et l’insecte qui la produit. Le peuple dit kermoisi, et il est à observer que le peuple a conservé la prononciation primitive qui est la plus conforme à l’étymologie. On attribue à ce pauvre peuple bien des fautes qui n’en sont point réellement, afin de cacher celles des réformateurs grammairiens.

cracovie.Avoir ses lettres de Cracovie.

Les lettres de Cracovie, ainsi nommées par allusion au verbe craquer (mentir), sont des brevets qu’on expédie aux grands hâbleurs. Avoir ses lettres de Cracovie, signifie donc être reconnu et proclamé menteur.

Il y avait autrefois au jardin du Palais-Royal, d’autres disent au jardin du Luxembourg, un arbre qu’on appelait l’arbre de Cracovie, pour la raison que je viens d’indiquer, ou parce que les nouvellistes se réunissaient d’ordinaire sous son ombre, pendant les troubles de Pologne. Le prototype de ces cracovistes était un abbé dont on ignorait le vrai nom, et qu’on désignait par le sobriquet de l’abbé trente mille hommes, attendu qu’avec ce nombre de soldats, ni plus ni moins, il se fesait fort d’exécuter heureusement ses plans de campagne ; il eut pour successeur le fameux Métra, bourgeois désœuvré à qui les membres du corps diplomatique envoyaient toutes les nou-

  1. On disait aussi autrefois écarlate rouge, écarlate blanche, écarlate noire, comme on le voit dans les ordonnances des rois de France du quatorzième siècle. Le mot purpureus avait en latin une semblable acception ; il signifiait éblouissant. Horace applique cette épithète aux cygnes, purpurei olores ; et Plutarque, dans la Vie d’Alexandre, parle de la pourpre blanche d’Hermione ville de Laconie.