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FEU

se rattachent à l’épreuve ou jugement de Dieu par le feu, qu’on employait au moyen âge pour constater la vérité d’un fait dans les cas douteux. L’accusé était obligé de saisir avec la main droite une barre de fer bénit qu’il devait porter à une distance de neuf à douze pas, ou bien de plonger cette main dans un gantelet de fer également bénit qui sortait de la fournaise. La main était ensuite enveloppée d’un linge sur lequel les juges apposaient leurs sceaux ; et s’il n’y avait pas de trace de brûlure lorsqu’on levait l’appareil, trois jours après, c’était une preuve d’innocence. Cette ordalie, qui a existé chez presque tous les peuples, fut peut-être imaginée dans l’Inde où son antiquité remonte au règne des dieux. Sitah, épouse de Ram (sixième incarnation de Wishnou), y fut soumise. Elle monta sur un fer rouge pour se purger des soupçons injurieux de son époux. Le pied de Sitah, disent les historiens, était enveloppé dans l’innocence, et la chaleur dévorante fut pour elle un lit de roses. Les Grecs, à une époque très reculée, usèrent aussi du même moyen de se disculper d’une accusation. Dans l’Antigone de Sophocle (v. 264), les Thébains, soupçonnés d’avoir favorisé l’enlèvement du corps de Polynice, s’écrient : « Nous étions prêts à manier le fer brûlant, à marcher à travers les flammes et à prendre les dieux à témoin que nous ne sommes point coupables de cette action, et que nous n’avons point été de complicité avec celui qui l’a méditée ou qui l’a faite. »

Dans un Voyage en Lybie, imprimé à Paris, en 1643, dont l’auteur est Claude Jeannequin, sieur de Rochefort, né à Châlons-sur-Marne, on lit qu’au Sénégal un homme accusé de vol ou d’assassinat est obligé de toucher trois fois un fer rouge avec sa langue, et qu’il est déclaré innocent lorsqu’il sort de cette épreuve sans que la langue ait été endommagée par le contact.

La Relation des derniers voyages de Burckard dans le Levant nous apprend que la même chose se pratique encore aujourd’hui chez les Arabes bedouins. Dans chacune des principales tribus des Anézés, il y a un juge suprême appelé Mebasscha, au tribunal duquel ressortissent toutes les causes d’une solution difficile. Si ses efforts pour concilier les parties restent sans succès,