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qu’un qui, une fois dans sa vie, n’ait envié le sort des rois ? — Si, j’étais roi, disait un petit pâtre, je garderais mes moutons à cheval. — Et moi, disait un autre, je mangerais de la soupe à la graisse dans une écuelle de velours. Ils pensaient aux bénéfices de la place et non à ses charges.

Plus heureux qu’un enfant légitime.

On dit aussi heureux comme un bâtard, ce qui est la même chose. Les enfants issus d’unions prohibées sentent, de bonne heure, qu’ils doivent tirer toutes leurs ressources d’eux-mêmes, et ils s’accoutument aussi de bonne heure à faire tous leurs efforts pour échapper à l’état de délaissement et d’humiliation où la société semble vouloir les retenir. Rien ne les détourne de ce but ; leur vie entière est une lutte opiniâtre contre les obstacles ; leurs facultés acquièrent beaucoup de force et d’énergie sous l’impulsion du besoin ; ils finissent par sortir vainqueurs de ces épreuves, et deviennent quelquefois des hommes célèbres. Alors la fortune les adopte et leur donne de grandes destinées. L’histoire dépose de cette vérité, consacrée jusque dans la fable, par l’exemple de tant de dieux et de héros. Bacchus, Hercule, Romulus, etc., avaient une origine entachée de bâtardise. Il en était de même de Guillaume, qui conquit l’Angleterre ; de Dunois, qui délivra la France, et d’une foule d’autres guerriers illustres, tels que le duc de Vendôme, le duc de Berwich, le maréchal de Saxe, etc. C’est probablement de là que sont nées les deux expressions proverbiales. Il se peut aussi, dit M. A. V. Arnault, que le sens de ces expressions soit venu de ce que, privés de parents, mais exempts de maîtres, les bâtards sont placés, par leur malheur même, plus près de l’indépendance que le commun des hommes. En songeant à ce malheur là plus d’un légitime, impatient du joug, a pu s’écrier : heureux comme un bâtard.

On ne doit appeler personne heureux avant sa mort.

Mot de Solon à Crésus. — « Cet adage semble rouler sur de bien faux principes. On dirait, par une telle maxime, qu’on ne devrait le nom d’heureux qu’à un homme qui le serait cons-