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NAP

Muser signifiait autrefois faire acte de folie, et musar équivalait à fou. Vous parlez comme hardi musar, répondit saint Louis à Joinville qui venait d’avancer qu’il aimerait mieux avoir commis trente péchés que d’être mézeau (lépreux). Mais ces deux mots perdirent, dans la suite, une telle acception, et furent seulement employés, le premier, pour exprimer l’habitude de consumer en bagatelles un temps réclamé par quelque occupation sérieuse, et le second, pour désigner l’insouciant entiché de cette manie. C’est dans ce dernier sens qu’il faut entendre l’adage suivant, traduit du grec par Amyot :

Qui muse à quoi que ce soit,
Toujours perte il en reçoit.

Notez que le verbe morari (muser) se prenait aussi, chez les Latins, dans le même sens que le verbe insanire (être fou), avec cette seule différence que sa première syllabe était brève dans un cas et longue dans l’autre. La preuve s’en trouve dans plusieurs auteurs, et dans ce jeu de mots que l’ingrat Néron, au rapport de Suétone, fit après la mort de Claude, dont il était le fils adoptif : Desiit morari inter homines. Il a cessé de demeurer ou de délirer parmi les hommes.

N

nappe. — Trancher la nappe.

C’était un genre d’affront infligé autrefois à table à un gentil’homme qui se rendait indigne de ce titre, par un roi d’armes ou un héraut qui venait couper devant lui la touaille, ou la partie de la nappe qui lui servait de serviette, et tourner son pain sens dessus dessous[1]. « Charles VI, dit Legrand d’Aussi, avait réuni à un banquet, le jour de l’Épiphanie, plusieurs convives illustres, entre lesquels était Guillaume de Hainaut, comte d’Ostrevant. Tout à coup un héraut vint trancher la nappe devant le comte, en lui disant qu’un prince qui ne portait pas

  1. De là est venu le préjugé qui fait que beaucoup de gens éprouvent un certain déplaisir à la vue d’un pain tourné au rebours.